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Les mille-et-une nuits

Installation, 1995 / Biennale d’Alexandrie / Médaille d’or de la Biennale

« J’ai utilisé le livre des mille et une nuits, interdit dans de nombreux pays arabes, et dont quatre nuits sont censurées en Égypte. Deux génies se bat- tent pour savoir qui est le plus beau : le jeune prince ou la jeune princesse. Malgré les épreuves auxquelles ils soumettent ce jeune homme et cette jeune femme, malgré l’avis du dieu, ils n’arrivent pas à les départager et deviennent fous devant ce manque de réponse. Ces quatre nuits, je les ai fait calligraphier sous l’immense verrière d’une salle bordée d’un escalier de marbre blanc pour la Biennale. Pour moi cela parlait de ceux qui veulent diriger le monde sous prétexte de détenir la vérité. Aborder cela frontalement n’était pas possible, sinon en utilisant la provocation. Je pense que l’infiltration est un autre moyen de perturber les convenances habituelles. Ne pas avoir l’air d’y toucher sous couvert de beauté et déplacer les choses, les twister. Cette installation utilisait l’imaginaire d’un texte ancien pour faire face à une situation artistique et politique complexe.
Les gens parlaient officiellement de la beauté de l’œuvre et officieusement de la signification du texte. Lors du vernissage au musée, deux femmes voilées, qui me regardaient travailler depuis huit jours, en riant au fur et à mesure de l’apparition du texte, m’avaient portée dans leur bras pour gravir les escaliers. Je venais de recevoir la médaille d’or de la Biennale. Quelque chose entre elles et moi se partageait, finalement. Le calligraphe qui avait tracer le texte m’annonça alors avec humour qu’il avait changé un mot dans le texte. Je n’ai pu trouver ce mot. Je regardais les visiteurs lisant tels des derviches tourneurs le récit qui se déroulait sur les murs. Mon infiltration s’était magnifiquement fait infiltrer... ».

Interview Hou Hanru, Sylvie Blocher and other human voices, Actes Sud, 2002.

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