Sylvie Blocher

« Lorsque j’ai appris le 16 octobre 2020 la décapitation du professeur d’histoire Samuel Paty, peu après sa sortie du collège de Conflans-Sainte-Honorine, j’ai eu du mal à reprendre mon souffle. Pourquoi ce meurtre me bouleversait-il plus que les autres ? Avait-on atteint la limite du supportable, ou était-ce mon très lointain passé d’enseignante dans un collège violent d’une banlieue abandonnée de Metz qui refaisait surface ? Ou parce que transmettre était sacré ? Où était-ce l’irruption de cette décapitation dans les procès de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher ? Ou cette photographie me revenant d’un coup à l’esprit de trois têtes coupées, posées au sol, de jeunes garçons Camerounais décapités par l’armée du président Ahidjo, avec l’aide de la France, parce qu’ils luttaient pour l’indépendance de leur pays ? Ou bien était-ce ma peur que tant d’horreur ne poussent certains à rêver d’un gouvernement fasciste ? Je ne pouvais plus dormir, alors je suis allée dans la forêt, au petit matin. La lumière était opaque et le brouillard, mêlé au givre, faisait crisser mes pas lorsque les chiens ont commencé à hurler autour de leur proie. J’ai filmé ces images pour ne pas oublier son nom. ».