Nanling-Guangzhou
Installation vidéo / 2005 / 9’28’’ looped + 45’43’’ video en boucle. Couleur, PAL, format 4:3 / Dyptique : 2 canaux - projection sur 2 murs différents / Couleur, PAL, format 4:3. Largeur du premier écran : 4m. Largeur du second écran : 1,70m.
J’étais invitée à la Biennale de Guangzhou par Evelyne Jouanno et Hou Hanru. Je tournais longuement à Guangzhou, puis je parti dans les montagnes du sud de la Chine. Un jour, je rencontrai dans la rue une femme du village qui n’avait jamais vu d’étrangère. Elle s’était mise à me parler, à toucher mes habits et mes cheveux. Je lui proposai de la filmer.
Le lendemain, je posai la caméra devant le canapé de l’atelier et je lui prêtai mon corps afin qu’elle puisse l’utiliser tel un outil. Elle commença par me prendre les mains et puis ma traductrice arrêta ma caméra. « Ici c’est impossible en Chine » dit-elle. Je la mis dehors et revint m’asseoir.
Cette femme me toucha comme une enfant, comme une soeur, comme une amante, comme une mère. C’était comme un rite d’altérité. Je l’arrêtai au bout de 9 minutes. Je n’en pouvais plus.
Avant la Biennale je voulus projeter la vidéo que j’avais réalisée avec les gens du village dans leur cinéma. Les responsables locaux de cette biennale me convoquèrent et firent venir la femme, et lui demandèrent si je l’avais obligée ? Sentant ce qui était en train de se jouer, elle se tourna vers moi et dit: « Mais vous m’aviez promis de le montrer ! Vous m’aviez promis ! ».
J’ai projeté toute la vidéo. Tout le village était là. Ils avaient apporté les casse-croûtes et les enfants couraient dans l’allée centrale. À chaque image, tout le monde y allait de son commentaire à haute voix. C’était très joyeux même pendant les histoires terribles du passé. À la dernière séquence, où j’apparaissais avec cette femme, le silence s’abattit sur la salle.
Le lendemain, je reçus une lettre de cette femme que ma traductrice me lut.
« J’ai passé ma vie à me dire que je ne servais à rien. C’est comme si je ne faisais que passer dans ce monde. J’ai décidé de partir, de quitter enfin le village. »…